PRISONS À LA FRANÇAISE : le cercle vicieux
Pour juger de l’état réel d’une démocratie, les prisons sont un baromètre reconnu.
En décembre 2007, le Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe nous renvoyait à nouveau (il l’avait déjà fait en 2003) une image terrifiante de notre système carcéral, stigmatisant des “ traitements inhumains et dégradants ”. Surpopulation, “ état dramatique de la psychiatrie pénitentiaire ”, conditions de soins “ déplorables pour les détenus particulièrement surveillés ”, “ patients en souffrance aiguë placés à l’isolement… traités sous contrainte si nécessaire ”… étaient dénoncés sans ambages par les observateurs européens. C’est dire si la loi pénitentiaire en gestation est importante, d’autant que c’est la seconde fois seulement en 60 ans qu’un texte est discuté. Un simple toilettage juridique serait inconcevable.
On peut nourrir toutes les craintes au vu de la politique répressive menée par les gouvernements depuis une dizaine d’années et de la frénésie de construction de prisons qui tient lieu de politique carcérale à la droite. Un véritable cercle vicieux que Mme Dati n’est pas prête à rompre, c’est le moins qu’on puisse dire. Le marché qu’elle a passé avec le groupe Bouygues pour construire 2000 places de prison nous enfonce un peu plus dans une logique sans fin d’enfermement à tous crins. À l’instar des USA, le gouvernement est en train de mettre en place une “ industrie de la punition ” dont le ressort sera la recherche de profits et l’inflation carcérale. Une logique qui répond à la vague ininterrompue de lois répressives qui submerge notre pays : loi pour la sécurité intérieure, lois Perben, loi sur la récidive, peines planchers, loi sur la délinquance juvénile, rétention de sûreté… sans parler de la création en cascade de nouvelles catégories de délits.
Depuis 25 ans, le parc pénitentiaire a doublé et il n’a jamais autant débordé. Le 1er janvier 2008, notre pays a dépassé la limite des 64 000 personnes écrouées. Le taux d’occupation des prisons françaises s’élève à 119 %. Engendrant promiscuité, hygiène déplorable, agressions en tout genre, trafics, caïdat, sans parler des troubles psychiatriques auxquels le personnel pénitentiaire est de plus en plus confronté.
Ironie de l’histoire, c’est en 1875 qu’a été posé le principe de l’encellulement individuel en France. On sait d’ores et déjà que notre pays ne pourra pas se conformer, à compter du 15 juin 2008, aux règles pénitentiaires européennes qui stipulent que l’encellulement individuel est un droit et qu’une cellule ne peut être partagée, avec l’accord du détenu, que si elle est adaptée à un usage collectif. Face à l’entassement des prisonniers, jusqu’à quatre dans des cellules de 9 mètres carrés, les militants de l’Observatoire international des prisons rappellent que dans tout chenil chaque animal a droit à 5 mètres carrés.On a beau savoir que la prison est toujours criminogène – environ 59 % des détenus relâchés sont de nouveau condamnés dans les cinq ans – le gouvernement s’accroche à son antienne : enfermer, toujours enfermer… Construire de nouvelles prisons ne répond ni au problème de la surpopulation carcérale ni à l’exigence de sécurité de la société. Il faut sortir de ce cercle infernal, favoriser les alternatives à l’emprisonnement, multiplier les libérations conditionnelles (facteur essentiel de réinsertion) et autres mesures de semi liberté… Autant de décisions qui vont à l’encontre de la méthode sarkozyenne qui fait de l’incarcération l’alpha et l’oméga de sa politique répressive n